L'histoire de l' AIIC

LE MILIEU DU VINGTIÈME SIÈCLE MARQUE LE DÉBUT D’UNE ÈRE NOUVELLE DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES. UNE NOUVELLE PROFESSION VOIT LE JOUR… ET SON ASSOCIATION ÉGALEMENT

Tout au long de l’histoire, il y a toujours eu des  intermédiaires multilingues qui ont permis la communication entre les langues et les cultures. Ces premiers interprètes ont joué un rôle central dans des domaines tels que la diplomatie, le commerce, l’exploration et les conquêtes coloniales. Mais ce n’est qu’au vingtième siècle que la profession d’interprète de conférence est officiellement reconnue comme telle. Il faudra attendre les années cinquante pour que les interprètes décident de s’organiser en association professionnelle d’envergure mondiale.


Une association professionnelle et un syndicat

La multiplication du nombre d’organisations internationales au lendemain de la Seconde Guerre mondiale fut accompagnée d’une augmentation du nombre d’interprètes de conférence. Cette nouvelle profession était en mal de reconnaissance et de protection. En 1953, Constantin Andronikof (OECE, devenue OCDE) convainquit ses collègues chefs interprètes André Kaminker (Conseil de l’Europe) et Hans Jakob (UNESCO) de créer une association, l’Association internationale des interprètes de conférence (AIIC).

L’Assemblée constituante de l’AIIC se tint le 11 novembre 1953. Les membres fondateurs, et particulièrement M. Andronikof, avaient pour ambition créer une organisation d’envergure mondiale qui regrouperait des interprètes permanents et freelance partageant les mêmes normes professionnelles, qui définiraient leurs propres conditions de travail et respecteraient un même code déontologique.

La solidarité fut le moteur de leur approche, donnant naissance à ce qui sera à la fois une association professionnelle et un syndicat . Le Code d’éthique professionnelle établit dès le début que les membres de l’AIIC s’engagent à respecter la confidentialité de tous les évènements qu’ils interprètent. L’adhésion doit être gage de professionnalisme du membre dont les compétences sont garanties par des parrains et marraines, eux-mêmes membres, et évaluées par un comité interne de l’Association.Le système de classement linguistique toujours utilisé aujourd’hui fut établi très rapidement : une distinction entre les langues actives (A ou B) et passives (C) en interprétation simultanée ou consécutive, telle qu’elle apparaît dans l’ Annuaire des interprètes AIIC.

Rémunération, conditions de travail et Accords

D’emblée, l’AIIC s’intéressa aux conditions de travail au sens large, notamment aux questions de santé et de sécurité. Le Code stipulait que les membres devaient établir un domicile professionnel unique, que tous les membres d’une même équipe devaient percevoir les mêmes honoraires (bien qu’un taux d’honoraires pour les interprètes débutants ait été introduit par la suite) et que les contrats devaient être honorés, même en cas d’annulation des réunions.

Cette volonté de définir la rémunération, les effectifs des équipes d’interprètes, les horaires et conditions de travail conduit l’Association à entreprendre des négociations avec les principales organisations au nom de tous les interprètes. Les Accords nés de ces négociations avec de grands employeurs tels que les Nations unies, l’Union européenne et les organisations coordonnées (Agence spatiale européenne, OTAN et Conseil de l’Europe) sont régulièrement révisés et mis à jour et s’appliquent à tous les interprètes, membres ou non de l’Association. Ces accords ont donc grandement contribué à la reconnaissance et la protection des interprètes de conférence dans un monde en pleine évolution.

En phase avec son temps

L’AIIC a toujours évolué avec son temps. Alors qu’elle ne comptait que 35 membres à Paris, Genève et Londres dans les années cinquante, l’Association est aujourd’hui forte de plus de 3 000 membres dans plus de 100 pays. Les membres sont répartis en régions dont les secrétariats régionaux organisent des réunions locales et facilitent la communication entre le siège, installé à Genève, le Comité exécutif et les autres organes de l’Association.

L’Association a aussi pris bonne note de l’évolution de la profession : le Secteur Marché Privé (PRIMS) se concentre exclusivement sur les conditions de travail des interprètes exerçant dans des conférences et réunions organisées sur le marché privé, et qui ne sont donc pas couvertes par les Accords. C’est le lieu d’échange pour discuter des questions spécifiques à ce secteur «non-conventionné».

L’AIIC reste également au fait des évolutions techniques. Elle s’intéresse de près aux travaux menés sur les normes ISO relatives aux cabines et aux équipements d’interprétation, mais aussi au développement et à l’utilisation de plus en plus répandue de l’interprétation à distance. Par ailleurs, la création de la Commission interprétation juridique et judiciaire et du Réseau d’interprètes en langue des signes. témoigne d’une véritable volonté d’inclusion. La présence d’interprètes en langue des signes dans les rangs de l’AIIC est la preuve de son rayonnement dans toutes les branches de l’interprétation au vingt-et-unième siècle.


Voir aussi: Histoire de la profession




Photo:  Susanna Vernon, membre fondateur de l'AIIC:  UN Photo/Kari Berggrav